AFFAIRE DE BADGES OTR OBLIGATOIRES POUR LES TRANSITAIRES / LE PORT DE LOME A NOUVEAU INACTIF CETTE S
« Ce sont les responsables de ces sociétés non enregistrées dans le guichet unique qui siègent au comité de SEGUCE et qui savent que si le guichet unique s’installe véritablement comme au Bénin, ils seront obligés d’enregistrer leurs sociétés et les frais qu’elles perçoivent dans le système à l'insu de l’Etat seront découverts…. Et c’est pour cela qu’ils font tout pour empêcher l’installation réel d’un véritable guichet unique. Ce sont ces mêmes personnes qui ont initié ce badge de l’OTR pour compléter ce que SEGUCE n’a pas fait. Parce que si cela avait été bien installé, nous pourrions rester dans nos bureaux et faire nos opérations sans aller à la navigation, sans aller à la douane etc. »
Le mouvement de cessation de travail des transitaires au port de Lomé la semaine du 04 au 08 janvier se poursuit cette semaine. Cette cessation de travail dans ce secteur bloque les activités dans d’autres secteurs connexes dont les travailleurs menacent de les rejoindre. Par ailleurs, l’inactivité au port de Lomé constitue un manque à gagner important pour l’économie nationale. Faisons le point avec Aziawor Yawo Gabriel, porte-parole des syndicats des transitaires.
En fin d’année 2015, vous avez annoncé les préoccupations qui seront les vôtres en ce début d’année au regard des réformes en cours dans votre secteur. Et depuis le 4 janvier dernier, il y a eu cessation de travail, suivi des mouvements dans la zone portuaire, pouvez-vous nous faire le point de l’action que vous menez ?
D’abord je voudrais préciser que le 4 janvier 2016, quand nous étions arrivé et nous avions voulu aller faire les opérations comme nous le faisions d’habitude dans les locaux des douanes pour l’enlèvement des marchandises, nous nous sommes retrouvés face à un cordon sécuritaire, qui nous réclame le badge OTR avant d’avoir accès à ces locaux. Nous étions bloqués là, avec l’argent de nos clients pour le dédouanement de leurs marchandises. Ensuite quelques temps après, un consigne a été donné, on ne sait par qui, aux agents de douanes dans les parcs, de ne laisser aucune marchandise sortir si le déclarant en face d’eux n’a pas le badge OTR. Ceci étant, nous nous sommes retrouvés dans l’obligation de ne pas pouvoir faire nos activités. Donc pour garder notre intégrité et le calme nous avons demandé aux camarades de cesser toutes activités en attendant un dénouement heureux de la situation.
En ce qui concerne la situation elle-même, elle est restée intacte, rien n’a évolué. La mobilisation a été suivie, les activités au port autonome sont bloquées. La navigation est vide, et aucun mouvement n’est signalé dans les parcs. Toutefois, il faut noter que le jeudi, le mouvement a connu une autre ampleur. Quand les camarades étaient au niveau de la navigation pour discuter avec les forces de l’ordre afin de les laisser passer pour faire les opérations, un autre mouvement est né au niveau du secteur des véhicules. Ce mouvement a regroupé tous les travailleurs des secteurs connexes et annexes au transit, c’est-à-dire les vendeurs de pièces détachées, les importateurs et autres, qui ont vu que la cessation de travail ou le fait pour nous d’être bloqués dans nos activités entraine chez eux aussi un blocage des activités et ils n’ont plus de clients, d’où une crise de mévente à leur niveau. Ils ont souhaité se mobiliser pour accompagner les transitaires qui sont au centre de cette affaire afin de leur apporter leur soutien. C’est comme cela qu’ils ont entamé une marche à partir des parcs de véhicules pour venir nous rejoindre. Quand ils sont arrivés au niveau du deuxième pont entre CIMTOGO et le port, les forces de l’ordre les ont dispersés en leur tirant des gaz lacrymogènes. Il y a eu des blessés et des interpellations. Il y a même eu un mort mais qui n’était pas un manifestant un passant qui, sous le coup de la panique est tombé de la moto qui le transportait et s’est écrasé par le véhicule qui les suivait.
C’est ce que nous avions connu le jeudi jusqu’à 13h et après cela, il y a eu la chasse aux hommes, où les forces de l’ordre ont tiré des gaz lacrymogènes dans les parcs, et partout où nous nous regroupons pour travailler. Le calme n’est revenu que vers 14 h. le vendredi nous avons organisé une Assemblée générale pour faire le bilan de la semaine et après avoir regretté vivement cette manifestation de nos partenaires ; nous leur avons adressé un courrier pour les appeler au calme afin de mieux nous accompagner. L’Assemblée générale a donc décidé unanimement de reconduire le mouvement de cessation de travail jusqu’à un dénouement heureux de la situation c’est à dire que nous puissions vaquer librement à nos activités de paiement des droits de douanes pour le trésor publics afin de pouvoir sortir les marchandises pour nos clients.
À l’allure où vont les choses, êtes-vous sûrs qu’il y aura un dénouement heureux ?
De toutes les façons, c’est qu’aujourd’hui, l’économie togolaise est bloquée, parce que les deux régies financières de l’Etat qui sont la douane et les impôts ne font plus de recettes. Alors que pour les impôts, les INF que nous payons s’élèvent par semaine à près de 400 à 500 millions. Pour les droits de douanes, il revient aux responsables de ce secteur de dire combien ils collectent chaque semaine. La dernière fois ils ont reconnu qu’il n’y a pas de recettes et ils étaient sur les radios pour nous demander de comprendre et au moment venu de discuter ils se réfugient derrière leur position. Le vendredi nous avons reçu le soutien des opérateurs économiques du PVO notamment les vendeurs de véhicules, ce qui va aussi ralentir énormément les activités là-bas et réduire les recettes du port constituées par la vente des tickets d’entrée. Nous sommes sûrs que lorsque ces recettes ne vont plus tomber régulièrement, nous croyons qu’ils vont prendre conscience que ce que cette mafia vient instaurer dans ce secteur ne répond pas aux réformes que l’Etat veut. Nous estimons que l’Etat ne peut pas faire des réformes en envoyant plus de 8000 personnes au chômage.
Pendant toute une semaine de cessation de travail, avez-vous eu des contacts avec les autorités gouvernementales qui ont en charge ce secteur ?
Nous n’avons pas été approchés, mais c’est par des canaux éloignés qu’elles nous écoutent et nous appellent de partout pour nous écouter et avoir les documents. Ce sont des rencontres officieuses et des propositions qui nous ont faites à travers d’autres canaux, nous demandant de faire autrement nos revendications et mouvements. Mais officiellement, c’est par médias interposés que nous communiquons.
Selon certaines informations, il vous serait demandé de vous constituer en société pour obtenir l’agrément et d’autres aussi peuvent se faire employer par les sociétés en place.

Les statistiques de 8000 travailleurs que nous évoquons aujourd’hui datent de 3 ans. Pendant ces trois ans, les centres de formations ont encore formés et déversés sur le terrain, des jeunes dont nous ne connaissons pas encore le nombre. Et on nous dit que les sociétés peuvent nous employer.
Il n’y a que 200 sociétés agréées, et en plus, elles sont limitées dans l’obtention des badges. Chaque société ne peut obtenir que 10 badges, et pour 200 sociétés, cela fait seulement 2000 badges. Or, nous sommes plus de 8000. Cela se justifie-t-il ? Certaines sociétés n’ont même pu avoir que trois ou quatre badges. Même à la radio la dernière fois, M. Médjéssiribi l’a confirmé que toutes les sociétés n’ont pas eu les 10 badges.
Par ailleurs quand on nous dit que nous pouvons nous organiser, nous nous sommes déjà organisés en créant une société de transit depuis 2010, au moment où le code de l’UEMOA permettait que ce soit un établissement. En ce moment, nous avons déjà créé une société de transit à hauteur de 25 millions. Aujourd’hui, cette société est enregistrée dans les mêmes conditions que les sociétés unipersonnelles alors qu’elle n’est une société unipersonnelle, mais plutôt une société à responsabilité limité qui sert de tampon et regroupe tous les non agréés. Et au lieu de tenir compte des caractéristiques de cette société qui a un nombre important de personnel et lui favoriser l’accès aux badges, tel n’a pas été le cas. Dans ces conditions croyez-vous qu’ils sont honnêtes dans les propositions qu’ils nous font ?
Nous estimons que c’est une vague d’exclusion et nous nous expliquons : au Bénin, lorsque nous sommes allées là-bas pour suivre leurs opérations, les transitaires agréés et non agréés n’ont pas besoin de badge, parce qu’à partir de votre bureau, vous pouvez faire les opérations. C’est le guichet unique. Lorsque vous allez et vous entrer votre marchandise dans le système, vous revenez dans votre bureau et vous recevez toutes les factures émises de tous les acteurs intervenant dans la plate-forme et vous allez payer à un seul endroit : la banque. Ainsi, depuis votre bureau vous avez le BFU réglé avec lequel vous pouvez faire les enlèvements dans les parcs ou dans les magasins, mais ce n’est pas le cas ici chez nous. Et c’est ce même guichet unique qu’on dit avoir installé au Togo. Chez nous dans le guichet unique, il n’y a que le Port, la Douane et le Conseil national des chargeurs togolais. Les consignataires, les manutentionnaires et d’autres sociétés qui vous prennent de l’argent (20 000 F) pour conduire les véhicules du sous-pont au parc et d’autres qui vous prennent 21 000 F quand vous voulez enlevez les marchandises, toutes ces sociétés ne sont pas dans le guichet unique et il faut aller les payer individuellement en plus de payer au guichet unique. A la fin ce n’est plus un guichet unique, mais un guichet de plus. La société française qui a installé le système au Bénin, c’est la même qui l’a installé au Togo. Mais au Bénin, c’est plus concret et fiable.
Or ce sont les responsables de ces sociétés non enregistrées dans le guichet unique qui siègent au comité de SEGUCE et qui savent que si le guichet unique s’installe véritablement comme au Bénin, ils seront obligés d’enregistrer leurs sociétés et les frais qu’elles perçoivent dans le système à l'insu de l’Etat seront découverts. Les frais qu’ils collectent chez les Togolais à l’insu des autorités togolaises seront découverts et ils seront obligés de les déclarer et d’y payer les taxes y afférentes. Et c’est pour cela qu’ils font tout pour empêcher l’installation réel d’un véritable guichet unique. Ce sont ces mêmes personnes qui ont initié ce badge de l’OTR pour compléter ce que SEGUCE n’a pas fait. Parce que si cela avait été bien installé, nous pourrions rester dans nos bureaux et faire nos opérations sans aller à la navigation, sans aller à la douane etc.
Et pourquoi ne pas installer la même société au Togo ? Tout simplement parce que les faux frais qu’ils perçoivent risquent d’être découvertes par l’Etat, voilà le vrai problème.
Croyez-vous vraiment que l’Etat n’a pas connaissance de l’existence de frais que perçoivent ces sociétés ?
Ce que je viens de vous donner comme exemple, en quoi l’Etat les reconnait ? et pourquoi ne peuvent-elles pas rester dans le système de guichet unique ?
Avec les réformes en cours et les factures normalisées de l’OTR, ces sociétés à qui vous payez ces « faux frais » vous délivrent-elles ces factures de l’OTR ?
Pas du tout ! Elles ne délivrent pas de facture normalisées. Ce sont des reçus vendus sur le marché sans entête ni cachet que vous prenez. Il y a une société qui est même allée jusqu’à acheter des vignettes à l’OTR et les met sur les facture pour tromper la vigilance des uns et des autres. Nous ne sommes pas naïfs à ce point.
Le danger aujourd’hui, c’est que nous constatons que ce sont les inspecteurs de douanes, certains à la retraite, qui envahissent maintenant la profession des transits, alors que c’est eux qui connaissent mieux le mécanisme de dédouanement des marchandises pour avoir été eux-mêmes inspecteurs de douanes. Ils s’accaparent les gros marchés des sociétés d’Etat et ils veulent nous chasser, nous exclure pour prendre la place. Croyez-vous que quand ils seront seuls dans le secteur, ils vont déclarer les marchandises comme il se doit alors qu’ils maitrisent mieux que quiconque le mécanisme de dédouanement pour dribbler la douane ? Voyez-vous le danger que cela constitue pour l’économie même du pays ? Et à cette allure, vous verrez que dans un ou deux ans, même ces 200 sociétés agréées seront réduites à une cinquantaine seulement au niveau de ce groupe mafieux et c’est eux seuls qui auront tous les marchés et c’est l’Etat qui en perdra.
En dénonçant cela, nous savons ce que nous risquons, mais nous allons attirer l’attention du gouvernement pour qu’il sache que ce groupe mafieux, n’est pas en train de travailler dans l’intérêt de l’OTR, ni du gouvernement mais ils sont en train travailleur dans son propre intérêt pour récupérer tout le marché.
Hier c’était les douaniers qui étaient opposés à cela qu’on a exclu, aujourd’hui ce sont les transitaires non agréés qui constituent une barrière pour eux qu’ils sont en train de chasser. Demain ce seront les agréés qui passeront de 200 à une cinquantaine. Et après cela, ils vont rentrer dans le secteur des transports et dire que pour être transporteur il faut créer une société et vous allez les voir encore chasser les autres transporteurs et ainsi de suite. Ils cherchent les secteurs qui rapportent de l’argent pour investir ce qu’ils ont volé à l’Etat pendant plus de 30 ans et ainsi avoir le monopole de l’économie du pays. Je le dis et je sais ce que je dis, je suis un syndicaliste. J’ai approché les autorités et j’ai fouillé partout et j’ai découvert leur pot de rose. C’est un groupe de mafia, qui veut prendre le monopole du secteur économique de tout le pays.
Quelle va être votre stratégie dans les semaines qui viennent ?
Notre stratégie reste la même, la mobilisation. La cessation de travail continue comme souhaité l’Assemblée générale, nous allons nous mobiliser de plus. Aujourd’hui les vendeurs de véhicules reconnaissent qu’il y a la crise de mévente parce qu’avec ces mouvements ici, les commerçants et les acheteurs de marchandises au port autonome de Lomé vont se diriger vers les autres ports voisins.
Pendant ce temps vous aussi vous n’aurez pas de quoi subvenir à vos besoins…
Bien sûr ! Mais nous préférons gagner cette bataille et survivre demain que de vouloir gagner aujourd’hui et mourir demain. Comme l’a dit feu Président Sékou Touré de la Guinée, nous préférons la pauvreté dans la liberté, que l’opulence dans l’esclavage.